Médiateurs, sans le savoir

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Profession de plus en plus reconnue, la médiation professionnelle infuse de jour en jour chacune des strates de notre quotidien.

Que ce soit autour de la machine à café, sur un groupe WhatsApp familial ou dans une réunion municipale, nous avons tous déjà joué le rôle du médiateur. Un regard pour calmer une tension, une phrase pour relancer un échange bloqué, une reformulation pour éviter que les esprits ne s’échauffent, etc. Pourtant, la médiation reste une discipline méconnue, souvent réduite à l’image d’un gentil pacificateur ou d’un expert du consensus mou.

Or, le médiateur n’est ni un arbitre, ni un psy, ni un adepte du plus ou moins “bien communiquer”. C’est un professionnel qui crée les conditions du dialogue. Et si l’on ne s’improvise pas médiateur du jour au lendemain, on peut s’inspirer de ses outils pour mieux naviguer dans nos interactions quotidiennes.

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Un rôle clé dans la société

À une époque où le dialogue public ressemble trop souvent à un match de boxe sur les plateaux télé ou à un champ de bataille sur les réseaux sociaux, le médiateur a une fonction essentielle : restaurer la possibilité d’un échange, quand tout semble bouché. Son terrain d’action ? Partout où il y a du conflit, des tensions, des blocages relationnels. Dans les entreprises, les collectivités, les familles, entre citoyens et institutions et même entre voisins !

Mais attention : le médiateur ne cherche pas à “réconcilier” les gens à tout prix, ni à imposer une solution toute faite. Il ne juge pas, ne prend pas parti, mais éclaire les positions et reformule les incompréhensions pour permettre aux personnes concernées d’avancer. Une approche qui, à l’heure où la défiance envers les institutions et entre citoyens est à son comble, mériterait d’être largement diffusée.

Nous sommes tous des médiateurs… mais pas tous formés

Sans être professionnel de la médiation, nous avons tous, à un moment ou un autre, essayé d’apaiser un échange ou de rétablir la communication entre deux personnes. Mais si la médiation repose sur des qualités que nous possédons tous en germe – l’écoute, l’empathie, le sens du dialogue, elle s’appuie aussi sur des outils précis qui évitent de tomber dans le piège du “bon sens” et des conseils maladroits.

Car vouloir “calmer le jeu” peut parfois aggraver les tensions. Dire à quelqu’un “Allez, ce n’est pas si grave” alors qu’il est en colère, c’est nier son ressenti. Pousser à un compromis précipité, c’est risquer de créer de la frustration. Chercher à convaincre à tout prix, c’est s’éloigner du véritable objectif : permettre à chacun de s’exprimer et de trouver ses propres leviers de résolution.

Des outils à utiliser au quotidien

Alors, comment s’inspirer des médiateurs professionnels dans la vie de tous les jours ? Voici quelques clés simples et efficaces :

  • L’écoute active, ce n’est pas juste hocher la tête en faisant “hmm-hmm”. C’est reformuler ce que l’autre dit pour lui montrer qu’il est entendu. Pas besoin de se transformer en perroquet, mais un simple “Ce que tu dis c’est…”, “Ce que tu ressens c’est…”, “Ce que tu fais c’est…” peut éviter bien des malentendus.
  • La reformulation neutre, c’est l’arme anti-escalade. Plutôt que de répondre à un reproche par un contre-reproche (“Tu ne fais jamais attention à moi !” / “Et toi, tu es toujours rivée sur ton téléphone !”), reformuler permet de désamorcer : “Tu as l’impression que je ne suis pas assez présent, c’est ça ?” Ça ne règle pas tout, mais ça ouvre un espace de dialogue.
  • Le questionnement stratégique : au lieu de donner des conseils non sollicités (“Moi, à ta place, je ferais comme ça”), poser des questions ouvertes peut aider l’autre à avancer par lui-même : “Qu’est-ce qui te semblerait acceptable dans cette situation ?”
  • Décrypter les émotions, c’est savoir reconnaître ce qui se joue au-delà des mots. Derrière une attaque, il y a souvent une frustration, un besoin non exprimé. Être attentif à ça change tout.

Un impact collectif

Ce qui est puissant avec ces outils, et bien d’autres outils de l’Ingénierie Systémique Relationnelle*, basés sur l’accueil des différences et sur l’altérité, c’est qu’ils ne servent pas qu’à gérer des disputes entre amis ou collègues. Ils changent notre façon d’être en société. Un citoyen qui sait écouter, questionner, reformuler, impliquer, c’est un citoyen qui contribue à un débat public plus apaisé. Un manager qui sait désamorcer les tensions, c’est une équipe qui fonctionne mieux. Un enseignant qui intègre ces outils, c’est une classe où les conflits ne tournent pas au règlement de comptes permanent.

La médiation, ce n’est donc pas seulement un métier. C’est une manière d’être au monde, qui nous concerne tous. Alors, prêts à essayer ?

Marianne Fougère

Plume indépendante et vagabonde

* Initiée par Jean-Louis Lascoux, cette approche des relations humaines ne doit pas être confondue avec le management bienveillant.. Pour plus d’informations consulter Le Dictionnaire encyclopédique de la médiation (Paris, Éditions ESF, 2019).